The Office, satire de l’ordinaire, comédie extraordinaire
The Office, version anglaise, hein. La seule version qui vaille et pas cette purge qu'est la version US. Cette pépite des années 2000 repose un concept novateur : une équipe de reportage, qu'on ne verra jamais à l'écran, suit le quotidien de quelques employés dans une boite banale d'export de papier (Wernham Hogg), elle-même située dans une zone industrielle paumée d'Angleterre (Slough).
Pourquoi c'est un chef d'oeuvre ? Car c'est un grand théâtre comique. C'est une peinture de l'absurdité du monde professionnel. Absurde dans ses conventions, absurde dans sa stratification.
Quelques éléments de l'intrigue :
1/ Tim, anglais typiquement en mal de vitamine D (interprété par Martin Freeman) est un vendeur de ramettes de papier. Il est le raté sublime, un "no life" néo-trentenaire qui semble avoir été trop couvé par sa mère. Mais Tim est un garçon cultivé et éveillé (à ne pas confondre avec les w0kes de Twitter). Eveillé mais velléitaire, car à trop se poser de questions, on finit par ne plus agir.
Chez Wernham Hogg, Tim est, comme nous, le spectateur ébahi par le délire ambiant. Il a les réactions les plus sensées aux évènements les plus insensés.
2/ Dawn, éveillée mais toute aussi résignée, est à la fois hôtesse d'accueil et assistante de direction dont le destin est presque aussi funeste que celui de Tim. À première vue, elle serait l'intérêt amoureux de Tim avec une intrigue du genre "se mettront-ils ensemble finalement ou pas ?". Mais Dawn est en "relation sérieuse" avec un mec de l'entrepôt.
En vérité, Dawn est un sujet social assez classique qui n'hésite pas à améliorer sa qualité de vie au détriment de l'autre. Car prise d'un ennui mortel, elle batifolera avec Tim en tirant profit de son dilettantisme. Ou peut-être a-t-elle un véritable un attrait pour Tim, mais n'ose-t-elle pas détruire tout ce qu'elle a bâti avec un gars plutôt décent, mais un peu minable quand même.
3/ Gareth, avec sa trogne reconnaissable entre mille, il est le plus cringe des collègues. A l'inverse de Tim, il est absolument ravi d’être à sa place. Gareth sait se contenter de petites victoires, comme le fait d'avoir une agrafeuse à son nom, ou d'avoir pu récupérer un perforateur. Simple réserviste de l'armée de terre, il se sent pur combattant des forces armées britanniques. En bref, ce médiocre archétypical est terriblement réaliste. Son manque de tact, ses bourdes, et ses obsessions pour le sexe lesbien nous indiquent qu'il n'a pas vraiment compris les conventions sociales.
4/ Last, but not least : David Brent, personnage culte pondu par l'esprit exalté de Ricky Gervais. Et on sait de quoi Ricky Gervais est capable depuis les Golden Globes. Mais avant de se payer Hollywood, il a montré qu'il était un artiste complet qui, du moins, peut faire passer à peu près cent fois plus d'émotions que Steve Carell. Bref, David Brent donc... C'est un petit gars joufflu, très à l'aise (sauf avec les femmes), plein de répartie, qui semble vouloir être populaire à tout prix. David se voyait artiste, mais il ne se lamente pas contrairement à Tim. Il fait même figure de divergent dans un microcosme où chacun est terrifié de perdre un emploi qu'il déteste.
David tente donc de vivre à sa manière dans un authentique mouroir des passions et de la créativité. C'est une machine à blaguer, et son ressort comique renforce son ambiguïté morale. Peut-on rire de tout ? Peut-on rire au détriment de l'autre ? Oui. Et c'est ce que Ricky démontre brillamment par l'absurde avec The Office.
En fait, c'est simple. Il n'y a pas d'équivalent à The Office.
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