Deux voix qui n'appartiennent qu'aux anges
Certaines voix s'élèvent dans la pénombre, et lèvent les brumes les plus denses. Elles percent d'une note le sombre nuage, avec un rayon clair et étincelant. Tel est l'apanage de la voix de William "Smokey" Robinson. Son timbre est d'un miel si doux que l'on n'est jamais certain de le mériter. Mais il est à nous, il nous appartient ce récit sublime d'un jeune qui, entrant à l'âge adulte, reçoit des leçons de sa mère pour qu'il trouve celle qui l'accompagnera pour le reste de sa vie. Elle nous est adressée, à nous, dans un linge cousu de fil d'or, cette complainte du déçu qui a connu une brève rencontre, mais d'une passion si intense qu'il en sera marqué pour la vie. Mais cet oasis de Palmyre, toutes ces marques d'affections ne sont qu'un souvenir, et peut-être n'était-ce qu'un mirage... Alors, nous avons le Smokey mélancolique qui nous tapote l'épaule et nous dit "pas d'inquiétude, cela arrive à d'autres". Puis nous avons le Smokey en joie qui caresse l'âme, l'enchante, le réchauffe d'airs gracieux et agréable ; par exemple, lorsqu'il désire récolter plus, et toujours plus d'amour, accompagné d'un piano tambourinant, avec une rare harmonie. En somme, Smokey Robinson est de la trempe de Harry Belafonte Jr., le roi du calypso. Harry Belafonte a son soleil jamaïcain au coeur et c'est bien heureux, car c'est avec celui-ci qu'il chante. Sa bienveillance, sa poésie et son goût de la vie feraient sourire un damné. Nulle doute que c'est cette équation idiosyncratique qui permet à Harry d'être encore parmi nous, à presque cent printemps... Il est tout aussi certain que Smokey Robinson, 85 ans et toujours en tournée, jouira de pareille longévité. La société des anges attendra encore.
Pour l'instant, entre les désastres, les malheurs, et les funestes répétitions de l'Histoire, nous avons besoin de tel prodiges ; et malgré leur trop petit nombre, il est au moins nécessaire de savoir qu'ils existent. À eux seuls, ils contrebalancent la noirceur de temps odieux. Et par chance, ils nous ont laissé des captures de leurs dons que l'on peut savourer à l'envi ; et ce, avant même qu'ils ne rejoignent le royaume des cieux ; ou leurs foyers naturels.
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