Phenomenon avec John Travolta, un film pas si con
Dans les années 90, on avait du lourd film dramatique qui osait le sentimentalisme. Comme Phenomenon, un bon mélodrame avec une solide réflexion (métaphysique, pour être pédant) sur l'intelligence.
C'est l'histoire de Georges, un mec de la petite classe ouvrière, d'un petit village, qui est nul en drague et qui vient de fêter ses 37 ans. Il reçoit un soir une vive lumière sur le cône, après avoir levé sa pinte de bière vers le ciel. D'emblée, on y voit une grâce de l'Esprit Saint qui lui rend la politesse au centuple. Première occurence de l'amour divin.
D'un coup, George le garagiste se met à avoir une super-intelligence qui lui permet de lire des livres très vite et d'avoir de super idées. À tel point qu'il n'en dort pas de la nuit, sentant sa chair trop limitée pour son esprit. Il développera même un don de télékinésie, tellement sa puissance déborde...
Homme simple, donc réceptif à la grâce, il témoignera toutefois d'une belle communion avec la nature, puisqu'il sentira les champs sismiques, et sera apaisé par le bruit du vent qui agite les arbres.
Et s'il avait reçu la grâce de se lier avec le Dieu visible, cette nature palpable ? Peut-être un moyen pour le Dieu invisible de se manifester subtilement, s'agissant de préserver votre liberté de ne croire ou de ne pas croire, de vous lier à Lui ou de vous lier à l'autre... Deuxième occurence de l'amour divin.
Evidemment, le protagoniste maitrisera mal son don, ne comprenant ni d'où il vient, ni pourquoi l'utiliser. Autrement dit, une grâce sans transcendance ne vaut rien. Donc, en bon américain, il sera un véritable capitaliste de la connaissance, souhaitant, par exemple, connaitre la moindre variété de plante. Très utile ! Il sait désormais beaucoup de choses et impressionne son entourage. Mais sa tendance à ne pas cacher ses dons montre qu'il est un savant sans intelligence. Véritable illustration de "science sans conscience...".
Pas d'intelligence, mais du coeur ! Bien qu'il lui faudra deux lectures d'un classique pour (penser) comprendre le coeur de la femme, tandis qu'il lui faudra 20 minutes pour apprendre les bases du portugais. Cette petite subtilité reposait sur une demi-ligne de dialogue...
Du coeur donc. Comme en manquent le FBI, les universitaires et le médecin à forte renommée que George croisera, voyant en lui une menace ; ou une simple ressource scientifique qui permettrait au chercheur d'entrer dans la postérité, sans égard pour la personne qu'il est.
Il est comme ce Corinthien que Saint Paul mit en garde sur la parcimonie à observer dans l'exercice des dons. Mais telle est la pédagogie divine : ceux qui en étaient les moins dignes reçurent de grands charismes. Preuve de la miséricorde de Dieu, qui servit à fédérer l'Église.
Ainsi, bouffer de la connaissance n'est pas cultiver l'intelligence ! On juge un arbre à ses fruits, et le garagiste n'en produisait aucun (sauf ceux qu'il produisait dans sa ferme).
Toutefois, pour terminer son fardeau, il reçut du ciel une tumeur au cerveau. Plus quelques mois à vivre. Rien de tel pour se recentrer vers l'essentiel. Troisième occurence de l'amour divin. Et son feu s'apaisera quand il réussira enfin à séduire sa trentenaire, mère célibataire de deux enfants, qui fuyait jusque-là tout projet amoureux. Voilà un début de mélodrame comme on les aime. Pourchassé, vilipendé par les siens, comme le Christ à Nazareth, il trouvera refuge chez sa fermière-ébéniste.
Alors le film nous donnera une des plus belles scènes d'amour du cinéma : une femme et un homme se retrouvent seul à seul dans un salon, puis la femme demande une paire de ciseaux, puis assiéra son homme et lui refera une beauté avec un rasage à la lame. Quatrième occurence de l'amour divin.
La suite sera, pensez-vous bien, moins chaste.
Le premier baiser surgira sous un sycomore, et le dernier finira dans un lit nuptial... peu avant que le héros glisse dans le trépas.
George a incarné une version a contrario de la Parabole des talents. Il n'a pas su faire avec ce qu'il a reçu mais, dans le monde parallèle de son petit mythe, il restera un témoin privilégié des grâces divines.
Car chacun aura son denier, encore faut-il demander à travailler, et bien se garder de murmurer en chemin...
Commentaires
Enregistrer un commentaire