O’Shea Jackson Sr, l’enragé

    "Straight outta Compton, crazy motherfucker named Ice Cube, From the gang called Niggaz With Attitudes".

    Ainsi commença la dernière et véritable révolution culturelle américaine. 

    Niggaz With Attitudes, ou « Gentilshommes avec élégances », eut le prophète de l'âge d'or du rap pour âme vive. L'enfant prodigue est le fringant O'Shea Jackson Sr, alias « Cube de glace » en québécois. Ainsi, la joyeuse bande de NWA amena la liberté d'expression vers de plus hautes hauteurs, portée par la grâce fougueuse d’un O'Shea, épris dès le berceau pour le verbe. 

    Depuis l'école, O'Shea ne sortit jamais sans un "carnet de lyrics" qu'il eut noirci abondamment de rimes. Partant, ses seuls guides seront les plus hideuses des muses : La Mort, l'Injustice, l'Impuissance. Ainsi fut aiguisée ce que l'Histoire de la poésie retint comme sa plume la plus acérée. Chaque cri de douleur de la mère de l'adolescent agonisant, ou la moindre hémorragie tirée d'une rafale de AK, nourrit un incandescent sentiment de révolte. Et chaque fois que O'Shea fut harcelé, plaqué au sol, ou palpé sur son intimité, une rage meurtrière lui brulera les synapses. Le résultat ? Une voix sèche et tranchante prête à déverser un flot d'injures dans la vallée des larmes. 

   Timbre, variété, force, inflexions de voix... Tous ces éléments servent un dessein : l'insulte. L'insulte percutante, celle qui claque et qui heurte, tant elle est simple et efficace. Mais Ice Cube n'est pas réductible à des termes grossiers. De son esprit foisonnant naitront des textes qui ne réclamaient qu'à être déclamés, tantôt pour vilipender l'hypocrisie des libérateurs de l'Afrique (Steady Mobbin'), tantôt pour vomir la concupiscence et les violences sexuelles (Lil' Horny Devil), ou même pour dénoncer les politiques gouvernementales visant à enrôler en son armée de jeunes hères démunis (I Wanna Kill Sam). Au surplus, Cube attaqua les symboles de l'Amérique, comme lorsqu’il exprimât son vif désir de plomber l'Oncle Sam, ou accusât sa nation d’entretenir une étroite parenté avec le KKK (When Will The Shoot ?).

    Contrairement au rap fade et insipide d'aujourd'hui (commercial quoi), celui de M. Jackson nous enseigne que la véhémence peut être plus saine exprimée que contenue, dès lors qu’elle porte un message dont la velléité est de laisser à nos enfants un monde meilleur. 

    Partant, ma question est la suivante : comment sommes-nous passés de Cube à Lil Nas X, bordel de merde ?

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