Guide de survie en milieu professionnel hostile
Votre employeur est un fumier non fini et votre entourage professionnel consiste en une bande de zombies ? Voici quelques conseils qui pourraient changer votre vie.
1/ Restez obséquieux, en toutes circonstances
En principe, envers votre employeur : pas de familiarité, ni reproche. Mettez les formes. Vous avez une remarque à faire sur sa gestion pitoyable des affaires courantes ? Mettez les formes. Vous voulez lui glisser une petite insulte ? Mettez les formes. Feignez-vous de prétéritions et de formules hypocrites qui font loi dans les petits milieux parisiens, comme : "si je peux me permettre" ; "à mon avis" ; "sans vouloir polémiquer" ; "si je comprends bien" ; "à vrai dire, j'ai une vision assez différente de la situation"... Vous comprenez l'idée. Cette petite chose qu'est votre "supérieur" doit être ménagée.
Retenez que, légalement, vous aurez du mal à contester un licenciement qui procéderait d’injures de votre part. Au lieu de cela, répondez, provoquez, poussez à la faute, profitez d'une faiblesse tirée d'un manque de tempérance.
2/ Dites-en le moins possible
Fini la bonne humeur des premiers jours. L'état de grâce de vos débuts n'est plus, et vos employeurs prennent leurs aises et vous manquent de respect. En conséquence, ne parlez que travail, n’évoquez que vos tâches, et ce en un minimum de mots. On se fait toujours couper la tête pour un mot de trop, jamais pour un mot de moins. Aussi, gardez pour vous-même vos doutes et vos réserves sur la faisabilité d'un projet. Comme la plupart des esprits simples, vos supérieurs inférieurs préféreront être bercés d'illusions plutôt que d'affronter des vérités dérangeantes. Ils vous payent pour avoir des résultats, et cette circonstance les stressent au plus haut point.
Sachez que vous n'êtes qu'un produit rentable de plus dans le commerce. Vous n'êtes plus un humain, mais un agent économique ; et de vous, l’on doit tirer des profits optimaux pour un coût minimal.
3/ Élevez parfois la voix, faites front et répondez aux attaques dans d'exactes proportions
Avec la restauration rapide, les moustiques et le nazisme, il n'y a rien de pire que le praticien qui vous prend de haut. La raison ? Vous ne savez pas faire une chose qu'il ne cesse de faire depuis plus de 20 ans. S'il perd patience, rappelez-lui calmement son ancienneté et son rôle de personnel encadrant. S'il vous présume incompétent, rappelez-lui que vous avez déjà fait vos preuves auprès d'employeurs plus avenants. S'il s'agace pour de menus détails, soyez tout aussi agacé qu'il ne sache remarquer la qualité globale de votre travail. À ce stade, il s'agit de se mettre debout, de conserver une position dominante et d'observer des silences en le regardant droit dans les yeux. Dans votre regard, ce n'est pas une paire d'iris qu'il doit voir, mais un remake de Massacre à la tronçonneuse. Vous pouvez éventuellement lui faire constater votre poing se serrer, et prêt à effectuer un aller simple vers sa cloison nasale.
En résumé, s'il est teigneux, soyez-le bien plus encore. Et finissez la discussion par un très serein "Nous sommes d'accord". Cette conclusion apaisera ses nerfs fragiles jusqu'à la prochaine et inévitable confrontation.
4/ Lorsque tout respect est perdu, arnaquez votre patron
Il est difficile de travailler pour une personne que l’on n'admire pas, ou seulement que l’on ne respecte pas. Dans ces conditions, il est donc difficile d'envisager de faire plus que le minimum.
Alors évitez de côtoyer physiquement le personnage, et préférez échanger avec lui par courriel. Un seul courriel par jour devrait suffire à montrer que la journée a été productive. Le compte-rendu doit être détaillé, voire exagérément détaillé.
Il serait tout aussi utile de noter tout ce que vous faites, et toutes les consignes qui vous ont été données. Si le résultat ne comble pas les atteintes, vous pourrez toujours opposer des consignes peu claires ou contradictoires ; et c'est bien tout le problème de travailler pour des médiocres...
Enfin, évitez absolument les réunions après 17h. Elles risquent de s'éterniser et de vous faire quitter les lieux à une heure indécente. Il s’agit là de s’épargner une vaine fatigue qui vous empêcherait de profiter de la fin de semaine. Donc ne soyez pas en "surrégime", tout le temps. S'il y a peu d'urgences, vous êtes béni car vous pouvez prendre tout votre temps. Préférez travailler par tranche de 2 heures à fond les gamelles, pour après batifoler pendant 1 heure. Pendant cette heure, c'est le moment de faire des rencontres en ligne, de voyager virtuellement, de lire quelques pages d'un excellent livre, ou de développer des idées pour un projet exaltant.
Donc vous aussi, quand votre travail n'a guère de sens, développez un formidable talent pour paraitre occupé.
5/ Cultivez l'indifférence, plutôt que les tracas de la différence
Malgré la séniorité de votre patron, vous sentez que vous avez 40 points de QI d'avance. En effet, le bougre n'a pas de culture, ni passion, ni empathie. Il ne vit que pour son travail, et ne ressent rien d'autre que du stress. Quelle vie pitoyable ! pour vous, qui êtes d'un naturel assez serein. Quel manque de maturité ! pour vous, qui avez fait un énorme travail pour gérer votre colère. Car tout l'enjeu de ce guide est d'échapper à la colère. Contagieuse, nocive, perturbante, la colère vous suit jusque chez vous. Fait insupportable, car vous refusez que cette humeur atteigne vos proches. Alors, tentez de prendre de la distance. Abordez chaque matinée, non avec dépit, mais avec l'idée que votre situation est absurde, comme celle de milliards de vos semblables. Mais vous savez que vous allez vous en sortir ; tout comme vous savez que vous atteindrez des issues infiniment plus favorables.
En fait, un esprit élevé n'est jamais enclin à souffrir trop longtemps la bassesse. Vous finirez donc par développer une résistance et par ne plus rien ressentir au contact d'humains désastreux qui vous servent de collègues. Vous vous ficherez de tout. Et cet accident de parcours vous donnera une rage immense, vous poussant à travailler à votre compte et à être enfin libre.
Conclusion :
Pas de chance, vous êtes bien mal tombé ! Vous faites partie désormais du club peu prestigieux de ceux qui ne vivent que pour le week-end. Dès lundi matin, vous languissez, vous soupirez et attendez le vendredi comme le messie. Vous avez connu tellement mieux : la stimulation des études universitaires, le cumul de petits emplois - tous absolument vivifiants - ainsi que les responsabilités, et surtout un environnement sain pour travailler. Après avoir connu une ascension à la droite de Dieu, vous vous sentez maintenant en enfer. Mais tout cela que le purgatoire, car vous avez l'intention de ne point rester un rouage dans une mécanique qui a parfois tendance à rouiller. Or, vous allez entreprendre, être bien, être libre, regarder loin... Toutefois, ne révélez jamais vos ambitions, parce que ce serait révéler votre foi en des temps où tous l'ont perdue ; et ceux qui n'ont pas trouvé le moyen d'être libres vous affirmeront, avec une fermeté opiniâtre, que vous êtes dans l'erreur. Mais, ce que ces résignés ne savent pas, et sauront en temps voulus, c'est que vous êtes aussi bien capable de bruler le monde que de construire des cathédrales. Vous n'avez que la sublime postérité comme espérance. Vous n'envisagez pas de demi-vie. Pour vous, c'est tout ou rien.
Alors, soyez libres.
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