Dans la tête de Willard Carroll Smith Jr.

 « Jada, je t’aime. G.I. Jane 2, j’ai hâte de voir ça. Tu vois ! »

Excellente vanne, Chris ! On se bidonne fort ce soir, quel humo-... 

Mince.

Ma bourgeoise n’a pas l’air contente. 

Carrément excédée même. 

Et moi, sacrée buse des familles, j’ose m’en payer une bonne tranche. 

Que dire ? Que faire ? 

La dame est plutôt tendue depuis 3 mois à cause de sa calvasse. Elle va pas en mourir certes, mais c’est le divorce qui me pend au nez là. Les enfants sont grands, et elle a toutes les raisons de se barrer. 

Oh mince. 

Pension alimentaire, prestation compensatoire, frais d’avocat... Et elle risque de garder la maison dans les Hamptons. Zut. J’aime trop cette baraque. 

Elle va demander la garde des labradors

OH MINCE.

*Arrêt du son et de l’image*

*Se lève, marche tout droit, colle une mandale au comique, et retourne s’asseoir*

Oh punaise. C’est vraiment arrivé.

Maintenant joue-la super en colère, comme dans Bright. Souviens-toi : visage fermé, menton dominant, pas de clignement d’yeux.

«  GARDE LE NOM DE MA FEMME LOIN DE TA PUTAIN DE BOUCHE ! »

Voilà, comme ça, c’est parfait.

Attends, punaise. Mais on est aux Oscars là...

Attends, il est drôlement calme le Chris là.

Purée, je suis dans une sauce ultra-piquante...

Attends, d’ailleurs pourquoi je n’ai pas été nominé pour « Je suis une légende » ?

Mince, zut, flûte, là il va dire un truc.

« C’était une blague sur G.I. Jane ! ».

Mince, il répond bien.

Et Gemini man, c’était pas un chef-d’oeuvre peut-être ?

Attends, concentre-toi. Ne perds pas la face. Mais je sais pas quoi dire là... 

MINCE. 

Répète ce que t’as déjà dit alors.

«  GARDE LE NOM DE MA FEMME LOIN DE TA PUTAIN DE BOUCHE ! »

Mer...credi... 

J’ai dit « putain », alors que je suis l’idole du grand public depuis plus de 30 ans... Je ne suis pas censé dire de grossièretés. C’est dans mes contrats.

Tant pis. 

Garde le visage fermé. Fais comme l’oncle Phil.

Mais quelle mandale patriarcale je lui ai mise...

*la cérémonie reprend dans un silence de cathédrale*

Bon, je vais devoir faire profil bas. Je vais m’exiler dans le Vexin français, tiens. C’est pas mal. Y’a des vaches et zéro sasquatch. 

Mais que va penser la presse ? Ça fera les gros titres. Pire encore, je deviendrai un mème. C’est la notoriété en déclin de l’homme le plus populaire au monde. En somme, je ne suis que le produit fini de la bien-pensance. Une icône surestimée dont le capital sympathie a engendré des milliards. À coté de Dwayne Johnson, j'ai désormais l'air de Hannibal Lecter. D’ailleurs, Dwayne aurait pu comparer le crâne de ma femme à une noix de cajou, pas moyen que je lui mette une gifle à lui.

Et j’avoue que ma gifle était pitoyable sur la forme. Je crois que vu de l’extérieur, on ne sait pas si je repousse un moustique-tigre ou si je mime un coup droit à la Agassi. Même coupe de cheveux que ma meuf d’ailleurs. 

En fait, c'est dix millions de personnes qui ont constaté ma technique foireuse. Un comble pour un mec qui a joué Muhammad Ali dans un biopic. 

Et le Chris Rock n’a pas flanché d’un iota. Plus petit, pas très costaud, mais solide. Il porte bien son nom, le bougre... On ne peut pas le lui retirer. Faut dire que des tartes, il s’en ait pris tous les jours à Bedstuy. C’est pas comme moi, sacré merdeux, avec mon père ingénieur et ma mère bien placée à l’Éducation nationale. Elle a même failli me faire entrer au MIT grâce à son réseau. Quel fumier bien né je fais, moi avec ma cuillère en argent bien calée dans le séant... 

Voilà 30 ans d’imposture cinématographique révélée. Mais entre Wild Wild West, Men in Black 3 et Bright, les gens se doutaient bien de quelque chose. Sacré Chris Rock. En soi, je suis archi-jaloux de son talent. Toute ma carrière de saltimbanque ne vaudra jamais son dernier spectacle « Tambourine ». Au fond, ce que j’ai tarté, ce n’est pas son insolence, mais sa liberté d’esprit. 

Moi chaque fois que j’ouvre la bouche, c’est un script qui sort. Je suis mi-homme, mi-consensus. Quelle vie prudente j’ai menée. 

Alors voilà, je vais finir ma carrière comme Bruce Willis ou Nicolas Cage. Je serai payé quelques fifrelins pour jouer dans des comédies d’action au rabais. Bright 2 pour moi. Et peut-être même une quadrilogie...


 





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