Contra Antalya

Ton horizon d'un bleu profond, turquoise et azur, offre un aspect trop virginal que ceignent de phalliques sommets. Un peu plus célébrée qu’une prostituée perse, tant de voyageurs sont venus pour trouver quelques plages de sables, pour finir par butter sur des chaussées de galets sur lesquels s’abattent des flots, sauvant plus loin un gazon égaré d'une plaine quelconque. Ton air est trop pesant, trop lourd. Tu suintes la corruption avec tes tristes commerçants, achalandant leurs échoppes de produits neufs, mais déjà obsolètes, et trônant sur des collines de baskets et claquettes. Tu es la parfaite fusion entre Nice et Saint-Denis. Nice pour cette large voie mi-piétonne, mi-cyclables que l’on peut longer en mirant tes lointains massifs, à la clarté brouillée par force pollution. Et Saint-Denis pour ce sens insensé du commerce du laid et du démodé. Ton rivage rocailleux est le bien indivis de mille tenants de l'hôtellerie, sur lesquelles demeurent plus de transats et de lits à baldaquins que de Saint Jacques et de bulots. De toute façon, chez toi, il fait trop chaud. Et ce trait à la limite du vivable annonce ton engloutissement par les flots. Trop moche et sans intérêt, tu vas disparaitre. Mais tu restes plébiscitée par le peuple-chaland, avec l’enthousiasme du Cananéen qui vient, pour l’amour de l’art, débourrer Marie-Madeleine. Ainsi me demandais-je : pourquoi ? Question primordiale qui me prit lorsqu’au déclin du jour, assis la bruyère, je vis s'iriser une multitude de lumières bigarrées, tout d’orange, de bleu, de vert, et surtout de rouge, telle l’oeuvre d’un mage noir projetant sur la vie sa bouffée délirante et son envie de tapas entre deux appels au salat, lors d'une nuit du Ramazan. Ainsi vis-je que, de nuit, tu t'éveillais dans une nouvelle vie, plus sonore, plus imprévisible, plus libre. Tes néons de troquets d'hommes qui aiment les hommes scintillent, des femmes se changent en hommes, des hommes en femmes sous des apparats mauves et phosphorescents, et un bon millier de prélats des plages restent assis sur les galets, torches à la main, comme si le soleil ne s'était jamais couché. Qu'importe les diktats de la loi civile et autres carcans règlementaires ; l'on nage bien, même lorsque le drapeau est rouge ! Mais, comme emporté par une bonne histoire, on y perd sens de l'espace et du temps ; et la réalité est questionnée. Expérience inconcevable sur la plage de Concarneau, où le Français plierait parasol, glacière et paréo, au plus tard à 19h, pour éviter la chute des températures et surtout pour ne pas manquer le 20h de Gilles Bouleau.



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