Nicolas Picard ; ou la formidable épopée terrestre
Je repense beaucoup à mes années de collège, époque nostalgique lors de laquelle j'essuyais la fidèle expérience de la vie en société. Au collège, j'étais entouré de crétins infinis qui, filles comme garçons, diffusaient et s’échangeaient des vidéos sexuellement explicites en classe, et perturbaient les cours par des crises entre l'autistique et le Tourette et qui n'envisageaient le rapport social qu'au gré de leurs hormones querelleuses.
Je repensais aussi tout particulièrement à un zigue qui s'appelait Nicolas Picard. Le loustic culminait à 14 de moyenne, tandis que je redoublais ma 3ème. Quelques années plus tard, l'on s'était recroisés dans la rue et aux dernières nouvelles il était apprenti-métallurgiste. Mais je savais aussi que Nicolas était un énorme détraqué sexuel qui se prêtait à tous les attouchements, sur les filles comme sur les garçons. Il n'avait que la vulgarité aux lèvres (et espérons que cela ne fut pas autre chose !). Je me disais alors qu'aujourd'hui, à la date de publication de ce billet, il était certainement détenu dans une maison centrale sur décision d'une Cour criminelle qui le condamna à une longue peine assortie d'une belle période de sûreté. Je consulta alors mon moteur de recherche favori, et regarda la partie consacrée aux actualités. Je remontais jusqu'à l'an 2013. Rien. Étrange. Je voulus ensuite consulter la trogne qu'il avait à ce jour. Rien non plus. Par contre, j'étais frappé par autre chose. Cela m'atteignit comme l'éclair frappe le chêne lors d'une nuit d'orage. Je remarqua, face à une mosaïque de faciès similaires, qu'absolument tous les foutus Nicolas Picard se ressemblaient. Je fus alors pris d'un fou rire. Il faut les voir, ces bruns aux cheveux courts, sans coiffure apparente, l'air de dire "laissons pousser ces tifs et advienne que pourra", souvent munis de lunettes rectangulaires à montures noires, droitement posées sur un nez discret au centre d'une tête ronde. Et je ris, et d'un rire sincère et sans compromis. Je riais devant cette misère. Puis je compris assez vite que Nicolas Picard était frappé de la terrible malédiction de l'homogénéité.
Semblerait-il, quand le Tout-Puissant créa l'homme, Il priva le petit Nico de toute originalité. Affublé d'une chemise blanche trop large et d'une petite veste noire Brice ou Célio (idem), Nicolas Picard est tout de même angoissant. L'on n'aimerait pas le croiser en soirée :
- "Salut, moi c'est Nico, je fais du footing, je supporte le Paris Saint-Germain et j'adore le Seigneur des anneaux".
Bien sûr que tu adores le Seigneur des anneaux !
Tolkien a glorifié ton espèce en te faisant héros du Mordor. Car, Nicolas Picard, tu es le parfait Hobbit de la vie réelle (que tu fuis au demeurant). D'une corpulence moyenne, d'une taille moyenne, d'une intelligence moyenne... Tu es homme-moyenne. Comme le Hobbit, tu n'es différencié des tiens que par la quantité de poils que tu as aux pieds. Bon mangeur et vapoteur és qualités, les Picard sont parfaitement décrits par les glossateurs de l'oeuvre de Tolkien :
Les Hobbits étaient un peuple hospitalier et joyeux, aimant rire, manger et boire (avoir six repas par jour quand c'est possible), facétieux et sympathiques, mais facilement craintifs et casaniers, n'aimant pas du tout les aventures de n'importe quel type qu'elles soient, et souvent soupçonneux envers les étrangers et les inconnus. Ils n'aimaient pas, et n'utilisaient pas, des machineries complexes et d'utilisation trop ardue. Ils aimaient les couleurs vives, particulièrement le vert et le jaune, et aimaient à vivre dans des trous, les smials, de grands trous vastes et aménagés quand c'est possible, possédant des portes et des fenêtres rondes, bien que la construction de maisons soit aussi répandue. Ils aimaient aussi fumer la pipe.
"Bonjour, je suis Nicolas Picard et j'aime le vert et le jaune... et je vis dans un trou". Par trou, comprenez : "je loue un studio à plus de 800 euros par mois et je travaille chez EY ou PWC".
Mais attends Nicolas, un instant... Ne serais-tu pas un peu un homme de synthèse ? Ne serais-tu pas issu d’une chaine de fabrication ? As-tu un numéro de série ? Puis-je inspecter l’arrière de ton oreille pour voir si je peux trouver un code-barre ? Es-tu sous garantie ? Pardon, je suis un peu curieux. Sors-tu d’un utérus ou d’une photocopieuse Ricoh modèle silencieux à double cylindre ?
Très bien Nicolas. Pour me contredire, tu n'es pas loin d'affirmer ta singularité en me disant que tu joues de la guitare et que tu adores Ed Sheeran. Mais ne t'inquiète pas. Ta médiocrité n'a rien d'exceptionnelle, car l'on trouve dans chaque pays des gens horriblement commun. Tu es Yoshi Yamamoto au Japon, Li Wang en Chine, Vito Paoli en Italie, Brian Jones aux États-Unis et Alain Benssoussan à Neuilly.
Le problème est qu'on ne pourra jamais créer aucun lien, dès lors que ton quotidien consiste à travailler dans un open-space pour faire des slides. L'intitulé de ton poste contient au moins deux anglicismes, donc tu es absolument disqualifié pour effleurer, ne serait-ce qu'en rêve, toute l'étendue de mon génie ébouillanté par des travaux d'une extrême importance. Car quand je te vois, j'ai envie de pratiquer l'eugénisme social.
Tu plains souvent, et souvent de deux choses : des retards de train et de tes peines d'amours. En somme, tu n'as pas de problème.
Tu ne cherches pas à t'optimiser, tu ne tentes pas de te dépasser. Tu n'as pas conscience que, malgré tes clavicules courtes, tu pourrais soulever 1,5 fois ton poids au développé-couché avec un peu d'entrainement. Ainsi fait, tu marcherais avec plus de confiance dans le métro, après avoir accompli tes heures supplémentaires non rémunérées.
Oh que je suis méchant ! Mais je pourrais l'être encore plus. Car tu as ton parfait pendant féminin. La banalité a certes un visage, mais elle transcende les genres. Et cette banalité se manifeste souvent chez une Chloé. Une Chloé Duval, ou une Chloé Martin, selon où l’on est en France. Et Chloé ne reflète pas plus de gloire, car elle est passionnée d'astrologie et d'Harry Potter. C'est une copie conforme du pantin désarticulé de notre siècle. Mais Chloé est quant à elle du genre à ranger ses chaussettes et à souffrir de la désapprobation sociale, ou de la simple indifférence. Donc elle se fait tatouer, et elle se fait percer (en tout bien tout honneur). Elle n'a toutefois pas conscience que de tâcher son épiderme d'une encre infectée aux métaux lourds et à l'hépatite est un acte éminemment conformiste. La laideur est une marque de notre société, et Chloé l'originale en est le pur produit. Quel intérêt de se marquer à l'encre, sauf à être un cahier Clairefontaine ou un bovin ? Et quand Chloé s'injecte les lèvres ou accumule des babioles pour son studio, elle n'est jamais qu'un produit qui achète des produits. Elle incarne, comme son ersatz Nicolas, une mise en abime du vide, ou une profonde banalité ton sur ton. Parlez-lui dans le creux de l'oreille et vous aurez un écho. Mais Chloé s'en sortira...
Alors Nicolas, cher Nicolas, mon bon Nicolas. Réveille-toi. Je sais que tu as honte de ta voix grave, en ce qu'elle peut impressionner ou intimider. Mais c'est bien à cela qu'elle sert, crétin ! Alors... IMPOSE-TOI ! GRAVIS LES ÉCHELONS ! ORGANISE-TOI, DÉPASSE-TOI, MÉPRISE LES FUTILITÉS.
NE T'EXCUSE PAS, NE DEMANDE PAS : PRENDS !
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