« Le bonheur partagé est-il divisé ou doublé ? » ; ou Montréal et l'art de la flatterie servile
Il faut distinguer, mon capitaine.
Le bonheur est la joie qui dure, qui dure et qui dure…
Comme celle de discourir devant cette noble assemblée !... Et devant ce jury de renom !
Le bonheur... n’est pas que le silence de la douleur.
C'est, par exemple, l'enivrement, l’émerveillement, le plaisir, l’extase continu de me retrouver en terres canadiennes :
De vos vastes plaines, taiseuses et verdoyantes, à vos villes aux tours immenses qui trônent sur le monde avec élégance, mais sans grandiloquence ;
De la majesté de vos cerfs à votre digne feuillage de lys et d'érables ;
De vos dames accueillantes qui ne dédaignent jamais une perspective d’accouplement à l’infinie gentillesse de votre population...
Car vous êtes bien aimables, chers Canadiens ; ce n'est pas un cliché !
Vous êtes si gentils que même votre faune vous imite, puisque sur la route qui va d'Ottawa à Montréal, j’ai été salué par trois ours bruns, deux caribous et un lombric.
Que faisais-je à Ottawa ? me direz-vous.
Disons que je me suis égaré... Malgré mes égarements, j’ai trouvé mon bonheur dans la fréquentation du génie des peuples, et d’un peuple qui a le goût du partage.
J’ai trouvé à Montréal mon bonheur doublé. Mais le bonheur partagé n'est pas toujours doublé, loin s'en faut...
Puisqu'il m'est arrivé, au sommet de l'inattendu, au détour du hasard... de tomber amoureux.
Il m’est arrivé, comme cela a pu vous arriver, que l’éclair tombe sur moi lors d'un ciel sans orage.
Ce fut comme si Ishtar venait à moi.
Elle était ma Krishna, mon Iphigénie ; le type de femmes qui vous fait oublier toutes les autres.
Une femme que l’on aime au plus profond de soi, et bien plus que soi-même.
Avec elle à mes côtés, je sentais ma force et mon énergie décuplées.
Et si elle était restée… ma vie aurait pris un autre tournant :
J'aurais pu construire des cathédrales, ériger des murailles, bâtir des empires ou mieux encore : devenir 2ème Secrétaire de la Conférence du barreau de Paris.
Alors quand ces transports vous viennent, une passion déraisonnable se crée, un bonheur doublé se forme, à tel point que l’esprit crie au cœur de se taire.
Mais il est trop tard.
Vous avez déjà sombré dans ce dévouement de l'âme que Stendhal appelle l'Amour.
À ce moment, vous aimez tellement que l'autre ne ressent plus le besoin de vous aimer.
Ce bonheur, cette petite bulle, ce doux nuage était comme... doublé, parce que vous le pensiez partagé.
Puis cette bulle éclate, le cœur pleure, les larmes tombent, l'angoisse vous tient et l'esprit reprend son empire.
C'est ensuite un malheur désolant qui est doublé lorsque vous comprenez que votre bonheur était en réalité… divisé.
Mais voilà, qui aime difficilement aime beaucoup trop, d’après Caroline la mangeuse de poutines.
Je la rencontrai quelque part et par hasard et elle me dit que : « l'on sait depuis qu’Aristote enseigna son Éthique à Nicomaque que l’état raisonnable de l'humain réside dans la modération ».
Caro à raison.
Alors soyez modérés et votez Bayrou !
Toutefois...
L’humain est toujours en proie à ses excès.
Pour cette raison, et par raison, nous devons conclure que le bonheur véritable est toujours solitaire, car l'on ne sait jamais s'il est vraiment partagé (je parle bien sûr ici du bonheur solitaire, et non du plaisir solitaire).
Aussi, Cyrano ne se trompe pas quand il dit son amour à Roxane sous couvert d’un prête-nom, puisqu'il se destinait à "Rêver, rire, passer, être seul, être libre".
Et Montréal ne se trompe pas quand elle cultive ses violettes pubescentes au Mont-Royal, entre l'érablière et le frênaie rouge, et dont la tige est généralement solitaire... et occupe des terreaux humides... et pousse isolément, ou sous forme de touffe.
Ces violettes sont ainsi à l'image du bonheur et de l'amour, en tant que fleurs rares et lointaines qui ne savent endurer l'hiver...
Mais Montréal est bien connue pour avoir vaincu l'hiver ; ainsi est-elle assurée de toute ma confiance et de ma foi en la constance de son excellence.
Alors, grand peuple de Montréal, partageons un bonheur qui sera doublé, voire triplé ! Formons un trouple ou un quadrouple ! Soyons inclusifs comme Justin Trudeau.
Soyons Jacques Cartier un jour et Elvis Gratton un autre ! Aimons appeler nos films : "Fiction pulpeuse", "Rapide et furieux", "Histoire de jouets".
Donnez-nous Alain Deneault et gardez Michel Onfray !
Partageons notre amour pour la langue, cette formidable langue, ce français que nous avons en commun qui, comme le versifiait William Chapman :
"...a les sons moelleux du luth éolien,
Le doux babils du vent dans les blés et les seigles,
La clarté de l'azur, l'éclair olympien,
Les soupires du ramier, l'envergure des aigles..."
Car toute poésie est une histoire d'amour… avec la langue.
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