(ARTICLE INVITÉ) - Défense de l’avocat pénaliste

 Réponse à l'article précédent 


Défense de l’avocat pénaliste

(sera suivie de : Illustration de l’avocat pénaliste)

Qu’un avocat s’en prenne ainsi, sous couvert de justice, à ses propres confrères, voilà qui devrait choquer, me semble-t-il, même ceux qui sont étrangers à la profession. Cette attaque, de plus, menace même la base sur laquelle repose ce métier, ou plutôt cette vocation : ainsi, maintenant, parce qu’un avocat défend un criminel, il en devient un lui-même ! Autant condamner les tribunaux ; à ce compte-là, abandonnant l’idée même de justice, autant livrer l’accusé à la vindicte populaire, à la foule emportée qui se chargera, de façon affreuse et sanguinaire, de châtier celui qu’elle a déjà condamné avant de l’entendre. Oui, vraiment, il faut un culot qui dépasse les bornes, pour attaquer ainsi un principe fondamental de l'État de droit, inscrit au fronton des Constitutions et des conventions internationales ! À moins qu’il ne s’agisse, ici, de postuler je ne sais quelle odieuse « présomption de culpabilité » : ainsi, chacun tremblera d’être attaqué par la méchanceté du premier délateur venu, et la plus infâme des crapules, par son témoignage fallacieux, pourra de quelques mots faire enfermer un honnête homme.

Je crois, vraiment, que l’amertume nous amène trop loin : sans doute parce qu’il a perdu quelque affaire importante, celui-là hier si fier de sa robe se met à traîner dans la boue toute la profession, s’autorisant en plus, comble d’orgueil, dans son accusation, au détour d’une argutie peu assurée sur le dogme catholique, de ce qu’il nomme une naturelle répugnance de l’Église à l’égard du métier d’avocat. C’est d’une part oublier un peu vite que l’Église a, elle aussi, son tribunal ; prouvant par là combien cette institution, qui juge au lieu de venger, est au fondement de la Foi divine, comme de tout ce qui se veut humain ; et rappelant que, s’il est permis à l’homme d’en juger et d’en condamner un autre ici-bas, la vengeance est réservée au Ciel.

Mais il ne suffisait pas à notre homme de confondre l’accusé et son défendeur, de retirer à tout gaillard le droit d’être écouté par un juge : il fallait encore jeter le mépris sur ce domaine du droit qui s’attache aux violations les plus graves du corps social, le domaine pénal, pauvrement réduit à une médiocre « spécialité » – comme si, précisément, le problème du crime n’était pas le problème le plus important auquel l’homme ait à faire face.

Un trait, en particulier, m’interpelle : parce que ce domaine n’est pas juridiquement assez technique, dit-il, il est vague. Autant dire, avec la hauteur et la pédanterie des juristes, plongés dans leurs papiers et leurs citations : Humain, trop humain ! Faut-il à présent préférer la mesquinerie du droit financier, les basses manœuvres de la procédure civile, les contorsions du droit des affaires, les affres du droit du crédit, la perversité du droit bancaire et des assurances, à ce qui demeure simplement, purement et – peut-être – tristement humain ? Et, dans ce monde déjà à moitié englouti par la technique et dominé par les techniciens, mépriser un domaine parce qu’il est sans érudition ?

En tout et pour tout, grâce à ce généreux bienfaiteur qui évoque, si gentiment, la corruption des mœurs de l’avocat pénaliste, eh bien, si nous avions besoin d’une poutre solide et lourde pour quelque ouvrage, nous saurions dans quel œil la trouver.

Mais l’avocat pénal est bien plus qu’un simple témoin de l’humanité de chacun, et le pendant nécessaire des pouvoirs de l’accusation : il est un plein acteur de cette humanité de la justice ; et je montrerai prochainement, dans le détail, ce qu’il faut de qualités humaines et, disons-le, de charité et d’amour, pour suivre cette vocation.




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