Le conflit des murmures ; ou le combat intérieur du bien contre le mal

Autres méditations et observations, sans aucune valeur pédagogique


Le mal et le bien bruissent à tour de rôle dans les oreilles humaines. Les théologiens peinent à définir ce phénomène. Le mal serait dicté par les déchus, non pas avec des mots, des expressions ou des verbes, mais avec des ondes, des bruissements ou avec une urgence diabolique selon Saint Jean-Climace. 

Le bien, quant à lui, serait un ressenti lumineux selon Syméon le Nouveau Théologien. 

Déceler le bien du mal est donc un attribut fondamental de l'intelligence, et contrairement à ce que nous rabâche notre époque, ce n'est pas un exercice enfantin ; et vouloir se situer "au-delà du bien et du mal" n'est pas un désir de liberté, mais un désir, ou plutôt un délire, de se jeter corps et âme dans les bras du diable. 

Ainsi, dans nos faiblesses, celui-ci peut nous murmurer : 

- "tes possibilités sont infinies, tu ne vas pas te priver..." (la Cour d'assises est engorgée de gens qui ont pensé ainsi) ;

- "On a qu'une vie, il faut profiter" ; (même remarque pour les services de soins intensifs) :

- "Laisse-toi aller, tout se passera bien...".

Cette dernière phrase est souvent précédée d’une dernière pensée :

- "Voici, tu as tout vu, tout su, tout compris, il n'y a plus rien que tu puisses accomplir encore... Si tu ne pars pas maintenant, il ne t'arrivera que du malheur ! Regarde la vie des saints..."

Voici l'impulsion funeste qui traverse un homme, souvent, avant de prendre une dose mortelle de doliprane, d'endurer la strangulation avec un noeud coulissant ou de commettre l'étonnante imprudence de grimper sur la gouttière du quatrième étage pour y récupérer un téléphone, alors qu'un simple appel aux pompiers depuis un téléphone emprunté aurait suffi.

Triste chose que le poison de l'imprudence distillée dans le chaudron du masculin conquérant !

Et c'est là que le plan global du malin est subtil pour qui n'est pas éveillé ; mais grossier pour qui a la grâce de vivre sous la Protection.

Voici la structure du plan du mauvais qui : 

prologue

- attaque l'individu qui est seul, cloîtré dans une pièce, ou dehors sans interagir, particulièrement quand « il se rend autiste au monde » (le vocable est moche, mais c'est le mieux adapté) avec écouteurs ou casque anti-bruits (en marchant dans la rue !) avec le regard fixe, ou sur son écran (sombre) dirigé au sol (tout un symbole !) et... ;

- ...perturbe l'individu en lui vomissant du doute sur sa propre valeur, sur son importance, ou sur sa foi... ;

- ...incite celui-ci à vivre de la matière et de la chair ; autrement dit, l'invite à désirer ce qui est temporel et périssable ; en somme, le sujet est abaissé à l'état de cellules destinées à mourir, ce qui est scientifiquement exact, mais métaphysiquement absurde.

Aussi, cette dernière considération organique est le terreau de toutes les pensées nihilistes, que l'on peut résumer en cette ignoble litote : "Pourquoi vivre, on va tous crever de toute façon !".

Cette idée, malheureusement, très largement partagée, surtout dans les villes, dénote : 

- une tiédeur causée, d'abord, par une éducation parentale minimaliste ; ensuite, par un travail salarié inintéressant ou peu important (pour le savoir : demandons-nous si la société aurait un inconvénient à ce que nous "fassions grève") ;

- un désespoir souvent causé par des mauvais choix, et des choix qui procèdent de l'irrésolution ("je ne sais pas quoi faire plus tard" ou "je ne sais pas par où commencer"), de l'urgence de trouver du confort ("je dois vite gagner de l'argent pour acheter une voiture et avoir un appartement" ; pire encore : à Paris, on est à moins trente minutes de tout !" - vivre dans un 20 mètre carré pour le prix d'une grande maison de campagne ?) : ou, tout simplement, la peur de l'avenir ("on ne sait pas de quoi demain est fait, tout peut arriver, regarde les infos, le monde va mal"...).

Et c'est là que le ton de ce texte va subitement changer, conscient également que cet avant-propos est assez long.

Donc commençons par la fin : 

1. Vous isoler et vous soumettre au bruit ambiant

Les médias distillent les bruits de ce monde, et « le monde entier gît au pouvoir du mauvais. » (1 Jean 5:19).

Tirons-en toutes les conséquences !

En cela, les organes de presse et micro-célébrités qui stimulent notre vouloir d'achat nous donnent de l'influence.

Ce propos n'est pas canonique, mais cela s'apparente à du murmure. 

Certes, ces voix parlent fort, mais le malin est subtil. : tout voix amplifiée par un média est comme une pierre lancée dans le lac du conscient, et dont les ondes se répendent sur les rives de l’inconscient.

On peut aussi s'interroger sur les grands groupes commerciaux.

Qui oserait dire qu'Unilever, Coca Cola ou Nestlé vendent des produits tout à fait naturels, ou que LVMH propose de la matière utile à notre survie ? À moins que nous découvrions que  l'éthanol qui fait des bulles soit nécessaire, ou que de porter du faux-croco en damiers fasse fuir les nouveaux tigres à dents de sabre...

Aussi avons-nous cité de grands théologiens, mais une phrase m'a marquée, et elle a été dite par Mike Tyson : "Business of everything is evil". On ne peut pas le contredire. 

Travailler pour augmenter ses profits, plutôt que de donner du bien, ne relève d'aucune intention honnête. 

Qui oppose que faire le bien, et augmenter ses marges est tout à fait conciliable, se contredit. C'est comme opposer que l'on peut aller à gauche tout en allant à droite. 

Non, ce n'est pas un sophisme. Nous disons seulement que ce sont deux objectifs différents qui, pour être atteints, doivent emprunter des méthodes bien différentes.

Bref, se parer contre le mal consiste déjà à savoir distinguer commerce et charité. Le "my friend" de bienvenue et le "my friend" qui précède "cash or card ?".

Et les médias mangent de l'attention des moins armés, nous évoquant ce diable qui se gave inlassablement des corps des pauvres damnés aux Chant XXXIV de l'Enfer de Dante.

Ne résistant pas au besoin de vous donner l'image, voici la bête dont :

"La face de devant était rouge vermeil ; les autres deux étaient d’un blanc livide et d’un noir ténébreux. Sous chaque visage, deux grandes ailes, semblables à celles des chauves-souris, étaient déployées ;

et il agitait ces ailes, faisant souffler les trois vents qui gelaient le lac. De six yeux il pleurait, et de ses trois bouches il sanglotait ; 

et il broyait, avec des dents acérées, trois pécheurs qu’il tenait chacun dans une gueule. À chacun il déchirait le dos cruellement...".

"Mais c'est exagéré, on a besoin de savoir ce qui se passe dans le monde". 

Mais n'y a-t-il pas meilleure manière d'occuper son intelligence ?

Quel intérêt de méditer le commentaire que le malin fait de sa propre oeuvre ?

Demandez-nous plutôt, par exemple : 

"Qu'apportent à mon quotidien les commentaires sur Gaza ou Marioupol apportent ?".

Rappelons-nous plutôt que Spinoza considère, à juste titre (même il s'est répandu en hérésies), que la joie est ce qui augmente la puissance de vie ; la tristesse est ce qui la diminue (L'éthique, partie III).

Demandez-vous alors, chaque soir, ces deux choses : 

- "Qu'ai-je fait pour augmenter ma puissance de vie ? Qu'ai-je fait pour ma joie ?" ;

- "Ai-je encore considéré que ce monde était pourri et tous les gens infâmes ? Ou me suis-je efforcé de les considérer avec bienveillance pour changer la donne par chez moi ?".

Évidemment, changer sa mentalité est très difficile, parce qu'il s'agit de se défaire des bras chauds et délicieusement irritants du diable. Son étreinte fait de l'amertume une paix, de l'aigreur une douce habitude et la colère devient un confort qui donne l'illusion d'être puissant.

Ainsi êtes-vous une cible de choix si vous êtes seul(e), hors société. Car les murmures incessants du monde médiatique éteignent votre lumière, votre joie ; et l'ordure aux petits bois cornus est ravi que vous ne trouviez aucun grâce dans le dialogue et dans le partage. 

Alors comme la fougère sans amas dépérit vite, le satan n'aura plus qu'à se baisser pour nous ramasser. 

Ne soyons pas non plus la ronce de peuplier dont la tiédeur l'empêche de brûler.

2. Vous attiédir et vous broyer votre dignité

"Je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse. Tes oeuvres sont admirables, Et mon âme le reconnaît bien" (Psaume 138:14).

Meilleur que Dua Lipa ou Big Bunny, le Psalmiste ne nous donne pas la musique de la distraction, mais la louange qui guérit.

À retenir lorsque votre employeur vous dénigre, alors que vous lui donnez de vos précieuses journées.

Or, vous vous retenez de lui répondre. Vous refoulez. Vous ne souhaitez pas perdre cet emploi, et vous revenez chez vous plein(e) de rancoeur, voire de tristesse.

Mais priez pour vos ennemis ! (Matthieu 5:44). Dieu lui-même le commande.

D'ailleurs, "Priez sans cesse", dit Saint Paul (Première lettre aux Thessaloniciens, 5:17).

La prière et le rosaire sont le bouclier et le glaive contre le découragement. 

Il s'agit, certes, d'un "truc de croyant", mais ceci s'applique à tous ! Le seul pré-requis est avoir une tête et une jugulaire.

Ici, on ne considère pas que le jogging, le voyage effréné, et la méditation avec Petit Bambou soient des solutions pérennes. 

Pas plus qu'une prescription ruineuse de séances chez le psychologue donne une réponse à la crise du sens.

Priez le Christ, et il vous dira où aller.

Il est le chemin, la vérité et la vie.

Aussi, Jésus ne vous dira pas de perdre votre temps à gigoter au Café Oz, et à veiller tard pour boire des Spritz à 12 euros et à vous prendre des bâches par des femmes qui sont sous le joug de l'ennemi, et qui considèrent que vous êtes atteint de nanisme quand vous faites moins de cinq quatre-vingt centimètres de hauteur.

Jésus ne vous dira pas non plus d'aller au Bal des pompiers pour être regardée, le temps d'un soir, avec délicatesse et bonté.

Soyons donc justes et bons envers nous-mêmes ; et rendez grâce au Christ, car par lui, les anges louent la majesté du Tout-Puissant, dixit la préface Vere dignum.

Ainsi, Notre Seigneur vous enverra l'amour et la protection du Règne des cieux car, si nous brûlons du feu de la vie, les meilleures choses nous parviendront.

Et, a contrario, si nous brûlons pour les choses terrestres, c'est le feu des entrailles de la terre qui nous consumera.

4. Vous rattacher à la chair et à la matière

Montons encore d'un cran dans la mystique. 

En ce bas monde, le malin n'aura de cesse de nous faire désirer la possession. 

Il se jouera de nos plus grandes insécurités, voire de nos vieux traumatismes : 

- "Tu n'avais pas grand chose quand tu étais plus jeune. Tu as donc le droit de tout faire pour gagner de l'argent. Qui te le rapprochera, sauf les hypocrites et les envieux ?"

Quelle bêtise !

Ce commandement vénal et flagellateur s'oppose aux lois de la nature, que rappelle l'Éternel :

« Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent pas dans des greniers ; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? » (Matthieu 6,26) 

« Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. » (v. 33) 

« Ne vous inquiétez donc pas du lendemain : demain s’inquiètera de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. » (v. 34).

Le malin ne peut rien contre la parole d'espoir. Sauf se fendre de répliques moqueuses. Comme le touriste anglo-saxon qui ricane en voyant un croyant faire une génuflexion devant le tabernacle. Dans cette situation, l'affaire serait vite découverte et l'assaut manqué aussitôt.

Autre idée stupide du déchu : 

- "Profite de ta jeunesse avant qu'il ne soit trop tard. Tu risques de le regretter si tu ne te laisses pas aller. Tout le monde le fait. Il n'y a jamais de mal à se faire du bien...".

Selon votre sensibilité, il pourrait aussi ajouter "Dieu ne punit pas les gens qui s'aiment", ou "Regarde, il a bien pardonné à Marie-Madeleine...".

Mais quelle absurdité de se laisser aller à l'infertilité !

Pour cela, Onan mourût aussitôt quand il laissa sa semence par terre, au lieu de l'offrir à la veuve de son frère défunt (Genèse 38:9-10).

À ce propos, le Catéchisme de l'Église catholique indique :

« La masturbation est un acte intrinsèquement et gravement désordonné. » (CEC §2352).

Cet interdit, tant dans sa foi que dans sa formulation, a quelque chose de délicieusement subversif. 

En un mot : incisif.

Cessez donc d'accuser le vaccin à ARN !

(Quoique...).

Embrassez la continence, et sentez la purification vous submerger !

Vous serez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait (Matthieu 5:48). 

5. Tenter de tromper les porteurs de la foi

Avant, parlons des irrésolus. 

Une partie aurait pu leur être consacrée, mais à ceux-ci il suffit de leur recommander de se procurer une montre à chronographe, pour mesurer le temps passé sur une distance ou sur une tâche ; ainsi qu'un agenda semainier. Il ne s'agit pas là de créer un besoin matériel, parce que le malin le souhaitait, mais parce qu'il s'agit d'un investissement spirituel. Tout ce qui sert à l'ordre est utile.

Parlons plutôt des "appelés". Pourquoi les "appelés" ? Car se dire, ou se consacrer "élu" est déjà une arrogance. C'est se parer de d'une supériorité, quand on est appelé à la charité. C'est exprimer de l'orgueil, quand on doit exprimer la miséricorde. Tel semble être la grande difficulté, et toute la beauté de la chrétienté, c'est de devoir se garder de rendre coup pour coup.

Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre (Matthieu 5:38-40).

Autre enseignement fondamental et très riche de sens, nous intimant : 

a. de ne pas riposter au méchant

indiquant : 

i. de renoncer à notre égo

L'orgueil relève du péché originel, et de là semble découler tout mal.

ainsi, il convient de :

ii. de ne pas se courroucer pour de petits outrages

L'image de la gifle ne semble pas choisie au hasard. 

Humiliante, pénible, un peu douloureuse, mais pas d'une violence infirmante.

C'est pourquoi cette image semble parfaitement compléter la loi du Talion. Rappelons que le Christ n'est pas venu défaire la Loi ou les Prophètes (Matthieu 5:38-40).

Ainsi, l'autre joue tendue dans un esprit d'humilité est insensible aux outrages, ce qui désarme l'assaillant et grandit l'assailli.

Mais un deuxième niveau de lecture nous intime surtout de :

b. ne pas du tout répondre au mauvais

Toute riposte peut s'entendre de toute réplique. Y compris verbale. C'est désarmer le malin, qui n'aura aucune matière pour ensuite répliquer et vous persuader.

Mais lorsque l'on prête attention aux signes et aux sensations, comment déceler ce qui est du fait du mauvais et du fait du bon ?

Le bon nous conduit toujours vers la compassion, jamais vers la hargne ou la vengeance. Un examen de conscience devrait toujours s'imposer.

Le bon nous porte vers la présence, et non au néant. Le murmure favorable n'éloigne pas du ciel, ne préconise pas un repos immérité, ou un plaisir simple.

Les orthodoxes ont d'ailleurs conçu la notion "prélest", qui désigne une illusion spirituelle, un "sentiment d'élection" qui gonfle l'orgueil, et qui éloigne des gens. Ce qui peut paraitre tout à fait terrifiant, tant le plan est fourbe et surtout, tant le pouvoir que l'on prête au malin est grand si on lui tend trop l'oreille. 

Le prélest croit en ses dons et en ses visions. Mais sa déception tient à ce que tout ceci lui a été donné par le diable.

Autant dire que si les valeurs du croyant ne sont pas fortes, et si sa foi n'est guère pratiquée sans cesse, il ne serait jamais très loin du gouffre.

Et les enfers se réjouiraient de détourner de son chemin une âme qui allait vers la sainteté. Néanmoins les armes pour vaincre nous sont données : 

- le Notre Père, où nous lui demandons de ne pas nous laisser entrer en tentation, mais de nous délivrer du mal (étant entendu que Dieu ne nous soumet jamais à la tentation, puisque cela relève du mal) ;

- l'Ave Maria, où nous nous reconnaissons comme "pauvres pêcheurs", et cette humilité rend l'âme invulnérable ;

- l'Évangile, qui nous dit : "heureux, les pauvres d'esprit !" (Matthieu 5,3), à ne pas traduire comme "ignorants", mais à ceux qui méprisent richesses et honneurs pour se dépouiller entièrement à Dieu, par humilité (Somme Théologique, Ia – IIae, q. 69, art. 1).

Et l'humilité plaît aux coeurs purs, l'arrogance fascine ceux qui sont entre ses griffes. 

Mais personne n'est perdu, car il suffit d'une rencontre, d'un mot, d'un modèle, d'une vision pour donner envie à quelqu'un de demander la grâce de l'éveil !




Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Juan Branco, praticien du chaos

De l'impossibilité de s'approprier la pensée de Nietzsche : le cas Julien Rochedy

Exorciser le CRFPA, examen du démon - Le guide ultime des révisions

Elon Musk, contempteur du progrès, imposteur et énorme fumier

Derrière chaque moraliste, un grand coupable

Quel délit de presse êtes-vous ?

Le protagoniste d’Orange mécanique, cette vermine qui vous fascine

Mad Men, le grand théâtre de la vie

Le Journal de minuit ; ou l'introspection au plus sombre de la nuit

L'école des avocats : le premier cercle de l'Enfer de Dante