Écriture

    Elle est l'extraordinaire aptitude de chacun à créer son propre monde. Elle exprime les passions des femmes et des hommes, les dégoûts, les rejets, mais rarement les voluptés. 
    
    Alors, l’écriture ne serait que l’instrument du névrosé qui souhaite extirper ses triturations, et même,  fort égoïstement, les faire subir aux autres ? Disons qu’une âme noble aimera mieux partager son intelligence et son expérience. Car vécu qui ne profite qu’à soi n’a aucun sens. 
    
    En cela,  nous serions tous des Atlas, et nul ne peut hausser les épaules, mais devons nous efforcer d’aider les autres à  se hisser sur celles du géant. Nous devrions délester l'autre de toute ou partie de la lourdeur de ce monde. Or, nous faisons qu'exagérer nos plus noires dispositions de l'esprit, d'autant plus lorsqu'elles sont nourries par les peines de notre chair, ou par l'âcreté ambiante. Mais pour l'âme, rien n’est plus exaltant que de bâtir, mot après mot, son propre récit. Un récit qui peut éveiller dans les pensées images, émotions, et compréhensions. Quel pouvoir plus divin s'offre à nous ? L’Homo Deus est à la portée de tous, et il peut façonner son univers,  susciter la compassion ou la haine.

    Se faisant, l’écrit doit se charger d'émotions. L’écrit est n’est vibrant et plaisant que si y transparaît tout le coeur de l’auteur. 
    
    D’abord, ne pas craindre de s’adonner à la sensiblerie ou à la faiblesse. Comme les teintes du tableau, les affects donnent au texte toutes leurs couleurs. 

    Ensuite, autour de ces teintes, nous donnerons les contours et les formes. Il s’agit ici du style, lequel comprend basiquement les règles fondamentales de l’orthographe et de la grammaire ; et plus distinctement le vocabulaire et les figures de style. Ce second aspect ne peut avoir de fondement que des lectures de genres divers, et de toutes époques. Un peu comme si l’auteur se nourrissait de fruits et de légumes de toutes les variétés sur l’immense marché de la littérature. On ne conçoit donc pas un écrit sans forme, sans image, sans symbole, sans sous-texte. Stimulons donc le lecteur avec des images, aussi la poésie peut-elle aider. Se passer d’envolées lyriques est pareillement une faute. Point de modestie si on prétend à l’excellence et à la maitrise de l’esthétique. 

    Alors, que ce soit pour le seul plaisir de l’acte ou pour une finalité bien particulière, quoi de plus redoutable que cette arme de conviction, cette plume, parfois amicale, souvent sanglante, pour concevoir des idées contagieuses ?

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